Cette interview a été réalisée par Dorian Chauvet, grand neurochirurgien, dans le cadre de son livre sur « La main intelligente », qui recueille le témoignage écrit de nombreux artistes, artisans et professionnels divers se servant de leurs mains. Notamment un cuisinier (Thierry Marx), un pianiste (Alexandre Tharaud) mais aussi plusieurs Meilleurs Ouvriers de France : graveur, verrier, calligraphiste, un coutelier…
Comment décrirais-tu la beauté du geste du coup ? Est-elle en magie synonyme de simplicité et d’économie de mouvements ? Complètement. J’en reviens à Ricky Jay (mon dieu en magie) avec lequel j’ai discuté en premier de l’économie de geste. Il me disait « Toi comme moi, quand on voit un magicien qui sort un jeu de cartes de son étui, on peut connaître son niveau à 90%, en un clin d’œil ». C’est dément le nombre de gestes inutiles et parasites qu’un magicien va faire quand il n’a pas travaillé dans cette perspective d’économie de mouvements. Mais comprendre cette notion et sa finalité peut prendre énormément de temps. C’est presque l’affaire d’une vie ! D’ailleurs, ce qui est à noter, c’est que le spectateur ne ressent pas forcément l’importance de cette économie de gestes : a priori il n’analyse pas la différence entre un magicien qui lui montre cinquante mouvements et un autre qui lui en montrerait seulement cinq pour obtenir le même effet. Sauf qu’en lui montrant quarante-cinq mouvements de trop, on le fatigue. On sollicite trop son attention. Alors qu’en lui montrant seulement cinq mouvements pour boucler le tour, le spectateur dira : « C’est fou, vous n’avez rien fait ! Comment c’est possible ? ». Et là on ne rentre plus dans le tour ou dans la performance, on rentre dans le miracle. Ce n’est pas de la prétention de ma part : tous les magiciens devraient avoir pour but de créer des miracles. Je suis de ceux qui pensent qu’on peut réaliser des miracles en n’ayant quasiment rien fait.