LA THEORIE DU TEMPS / LA PARENTHESE DE L’OUBLI
La parenthèse de l’oubli pourrait également s’appeler « misdirection temporelle ». Le principe ? Monter un effet, laisser mijoter, puis le climax arrive et percute le mental du public ! Entre l’effet et le climax, il s’est passé un laps de temps qui a permis de faire oublier un certain nombre d’éléments permettant de construire ce qui sera plus tard la fin attendue. Souvent, cette fabrication de l’effet s’est déroulée devant les yeux même des spectateurs sans qu’ils se doutent le moins du monde de ce qu’il se trame. C’est une arme terriblement efficace que j’utilise énormément dans ma magie… mais c’est pas une technique qui n’est pas facile à exprimer j’avoue ! Il ne s’agit pas de la notion de « temps fort/temps faible » parfaitement définie notamment par Tony Slydini. La « parenthèse de l’oubli » va au-delà : elle met en « stand-by » le déroulement logique du tour pour y revenir au galop. Le subterfuge est invisible puisqu’il s’effectue souvent, je le confirme, au nez et à la barbe du convive. En l’occurrence, c’est le texte, le scénario et le jeu de scène qui sont les ingrédients miracle : une bonne coordination de ces éléments et hop ! vous allez pouvoir vous payer le luxe de changer un objet devant les yeux des gens sans artifice ou technique de magiciens conventionnels. J’adore ! C’est la raison pour laquelle j’insiste tant et toujours sur le jeu d’acteur et toutes les modulations qu’il faut apporter aux routines. Car c’est précisément là que peut se cacher cette arme magique magnifique qu’est la parenthèse de l’oubli. Mais ce n’est qu’à condition d’installer un univers assez riche et puissant, que les spectateurs peuvent en être « victimes » : dans un tour bien construit, on suit le narrateur/magicien, il parle, il agit, il pratique des gestes non magiques mixés avec des gestes magiques. Son jeu verbal et corporel suit le propos. Sa couleur rythmique transporte peu à peu le public. Son tempo commence à l’envahir. Et quand le public est « mûr », alors tout devient anodin et donc possible pour le magicien ! Si vous disséquez un geste, une action en les sortant du contexte, vous pouvez vous demander : comment se fait-il que cela puisse passer ? Pourtant, c’est possible… L’idée c’est d’arriver à un point où le spectateur est tellement « rassasié » qu’il en devient aveugle, sourd et muet pour quelques secondes : là, on peut agir et la magie opère ! Il y a pas mal de personnes qui sont assez critiques vis-à-vis de mon style de magie (pour ne pas dire hostiles) en la taxant de « bavarde » (sur le mode « il parle pendant des heures pour un effet magique… » etc.). Chacun pense ce qu’il veut, mais je doute qu’elles comprennent la force de ce concept hallucinant qu’est la parenthèse de l’oubli… A bon entendeur salut !