Il était une fois
Oui, j’ose le dire.
J’ose utiliser cette expression souvent réservée au monde des enfants.
Il n’y a pas de raison. Pourquoi réserverait-on les belles histoires aux enfants ? Notre histoire, somme toute ordinaire, est celle d’une rencontre. Une rencontre entre un passionné de magie et un artiste accompli.
Si vous avez un peu de temps, si vous en avez envie aussi, laissez-moi vous la raconter, car elle porte en elle les résultats magiques de ce que produit l’art vivant. Cette exaltation du sentiment d’être vivant justement.
Nous sommes en 2002, un artiste est dans la lumière. Un spectateur est au premier rang d’une petite salle de spectacle qu’il fréquente pour la première fois. Sur scène, si l’on peut dire, il est question de balles traversant des gobelets, de cartes qui se transforment à vue, de pièces si anciennes qu’elles en deviennent mystérieuses et, bien entendu, de salières.
Il est aussi question de Fred Kaps, de Hammann, de Goshman. Autant de noms illustres pour les initiés, de maîtres magiciens dont on sent bien, pour les non-initiés, qu’ils portent en eux une partie fondamentale de l’histoire de la magie. Ou plutôt, devrais-je dire, une partie fondamentale de l’histoire personnelle du magicien qui est en train d’œuvrer en hommage en leur mémoire.
Ce magicien, c’est Dominique Duvivier, le spectacle s’appelle Intimiste. Nous sommes au si bien nommé Double Fond en plein cœur d’une ville magique : Paris.
Le spectateur du premier rang, c’est moi, ébloui, enchanté par ce que je découvre, admiratif du talent qui s’exerce devant mes yeux. Je tombe amoureux. Il n’est pas question que cela s’arrête au bout d’une heure et demi. C’est trop court.
Ce magicien doit tellement pouvoir donner plus ! Je veux tout voir, je veux tout savoir, je veux tout.
Alors j’écris.
Lorsque l’on tombe amoureux, l’euphorie vous pousse à partager votre sentiment, à crier votre admiration.
« Voici ce qu’est la magie de proximité mesdames et messieurs !
Vous souhaitez savoir ce que l’on appelle close-up ?
Mais c’est tout simple ! Allez voir Dominique Duvivier !
Oui ! Des pièces vont disparaître, traverser du solide. Des cartes vont se transformer, vos pensées seront devinées ! Mais tout ceci n’est rien ! Ou plutôt, tout ceci fait partie d’un grand tout. Un grand tout bien plus vaste ! Dominique va vous raconter une histoire, et, croyez-le ou non, pendant une heure trente, vous y serez, vous la vivrez et il s’y passera des choses impossibles. »
Tout ceci, je l’ai écrit, Dominique l’a lu et, un jour, il m’a invité à la rejoindre au Double Fond.
Il m’a ouvert les portes de ce lieu incroyable, il m’a fait découvrir les coulisses, il m’a raconté son univers, il m’a présenté sa fille, son équipe, ses proches. Il m’a dit ses doutes d’artistes, ces certitudes d’artiste aussi.
J’ai vu cette force incroyable qui s’échappe de lui lorsqu’il est en action.
Je la retrouve chez sa fille également.
Tout se transforme lorsque les lumières s’allument sur la table de close up et qu’il faut entrer sur scène, dire les premiers mots du spectacle face au public, jouer la comédie, oublier la technique mais faire preuve de technicité.
Ce temps est celui de l’artiste. Il apparaît à la manière de ces précipités chimiques qui nécessitent des composants précis pour devenir visible, palpable.
La lumière, le public, les applaudissements, la musique, le scénario sont autant de composants qui révèlent l’artiste aux yeux des spectateurs.
Au quotidien, je pense qu’il est bien présent en Dominique, en Alexandra, en tous ces artistes qui donnent leur vie pour leur art. Mais nous, nous ne le voyons pas. Il est comme tapi, dans l’ombre. Alors, lorsqu’il prend forme, à chaque petite naissance, il hurle son désir de nous emmener avec lui, de le suivre dans le dédale de ce qu’il a construit pour nous.
Et quel plaisir ! Quel plaisir de le suivre ! Quel plaisir de les suivre !
Dominique m’a ouvert la porte de son univers disais-je. Une relation de confiance s’est installée entre nous. Préalable absolue à toute amitié durable.
Partant de là, il m’a invité à suivre ses tournages. Ces nuits entières à être à ses côtés assistant avec Alexandra à des démonstrations filmées en condition du réel.
Sur les dizaines d’heures de rush, une seule prise a été retournée. Une seule.
Je me vois encore dans ce Double Fond qui nous était réservé pour l’occasion. Les réglages techniques, les raccords maquillage, les pauses enjouées, les dîners avec toute l’équipe. Et, en filigrane, la sensation immense d’être un privilégié.
Privilégié, je le serai encore lorsque Dominique m’a annoncé qu’il souhaitait me parrainer pour pouvoir assister aux Fruits d’Or. Réunion magique annuelle en plein cœur de la Champagne, ma région natale, et dont j’ignorais tout.
Instaurée par Claude Rix et Fred Kaps, encore lui, les grands noms du monde magique étaient là, tout un weekend durant, à rire, à manger, à boire aussi, et, bien entendu à parler et à pratiquer la magie.
Tommy Wonder, Gaëtan Bloom, Anthony Owen, Pavel, Ali Bongo, Claude Rix, Alexandra, Dominique et bien d’autres…
Quelle incroyable expérience. … Que de grands noms réunis au milieu des vignes à l’heure où le raisin se gorge de soleil.
Et puis, il y a eu ces moments privés, et il y aura encore j’espère.
Ces respirations magiques, en tête à tête, lors de nos rencontres à l’occasion de dîners ou d’enregistrement de podcasts.
Les « je vais te montrer quelque chose » ou les « je travaille sur ça en ce moment ».
Alors les yeux grands ouverts, j’assiste au réveil de l’artiste qui me montre ce qui l’occupe, ce qui le préoccupe parfois, à un instant présent.
Des petites sessions qui ont pu durer plus d’une heure et qui me font prendre conscience que je n’ai pas vu grand-chose finalement. Des routines de cartes dont la subtilité et la force ont pu m’arracher des larmes.
Un peu de temps a passé depuis ce fameux moment de 2002.
Alexandra était déjà aux côtes de son père et j’ai eu la joie immense de la voir évoluer. De voir évoluer sa magie. D’assister à ses spectacles, en duo ou en solo, et de constater à quel point sa maîtrise de l’art vivant et de l’art magique s’est aiguisée.
Que ce soit pour le père ou la fille, peu de magiciens se permettent de se mettre à tel point en danger devant le public.
De se faire violence, pour l’une, de vouloir s’exprimer toute la dimension de sa magie, pour l’autre, afin de dépasser leur zone de confort et proposer au public des spectacles sans cesse renouvelés.
Alors oui, il était une fois.
Il était une fois, mais l’histoire n’est pas terminée.
Cependant, j’avais envie de partager un peu de sa richesse car, au travers elle, de la générosité et du talent s’exprime.
N’est-ce pas ce dont nous avons besoin aujourd’hui, en 2017, plus qu’à tout autre moment ?
Bonjour Dominique, Bonjour Alexandra, comment allez-vous aujourd’hui ?
Lionel
Dit « Le Marquis »