On me demande souvent comment je crée un tour. Vaste question ! Ce que je peux vous dire, c’est que pendant longtemps, j’ai adopté cette méthode qui s’est avérée assez efficace en ce qui me concerne : imaginer un tour dans l’idée de bluffer même un magicien. Souvenez-vous, le magicien est un spectateur qui s’ignore… donc, l’idée était de le satisfaire LUI, en respectant le fait que mes effets devaient être aussi intéressants pour un néophyte. Bref, la méthode pour obtenir du bon (si possible !), c’était de viser la plus grande difficulté.
Dans la même idée, voici une petite analyse qui pourrait vous intéresser. Moi, elle m’a aidé !
Quand vous faites un tour à un autre magicien, il y a trois types de situations :
1) Soit le tour n’est compris en aucune manière du confrère. Il n’a aucune piste à aucun niveau.
2) Soit l’effet qu’il voit est assez familier, mais la méthode employée est tellement éloignée de ses connaissances qu’il ne comprend pas grand-chose, voire rien du tout.
3) Soit il suit tout ce qu’il voit, mais ne pourrait rien refaire tant la routine est complexe.
Je me dis : si je voyais ces trois tours présentés dans une boutique de magie, lequel achèterais-je ?
Le premier effet est complètement ce que j’attends en magie. Le second me plaît mais sans plus et le troisième ne m’intéresse pas du tout. Quelle option vais-je choisir ?
Je vous laisse réfléchir quelques instants avant de vous donner ma réponse.
Jouez le jeu et essayez de réfléchir…………………….
Eh bien, bizarrement, je ne vais pas choisir la première option, à laquelle j’adhère pourtant naturellement le plus. Certes, sur le moment je serai satisfait, car je vais comprendre le « truc », mais vais-je avoir évolué ? Ce que j’aime par-dessus tout, c’est qu’une expérience me fasse grandir. Là, c’est bof.
Dans ce sens, la seconde option est déjà plus intéressante ! Mais pas encore suffisamment à mes yeux.
Par contre, la troisième option, qui me plaisait a priori le moins, m’offre un beau défi et c’est ce que j’aime. Donc voilà, je vais choisir cette option, la plus difficile, car elle m’obligera à me dépasser, à passer outre mon dégoût pour faire exister cet effet que je déteste. Ce combat que je devrai mener contre moi-même pour rendre viable quelque chose d’injouable pour moi au départ, me fera progresser incontestablement !
Comprenez-vous ma démarche ?
Il est évident que je ne procède pas toujours de cette manière, loin de là. Mais cette méthode m’a servi longtemps pour faire « éclater » ce que j’avais à exprimer en moi.
Cher Monsieur Duvivier,
Je tiens à vous remercier pour vos réflexions sur la création en illusionnisme, l’éloge du travail et de la méthode.
Respectueusement,
Philippe Binant
Merci de votre gentil message ! Amitiés
Personnellement, ce qui m’a aidé est votre réflexion sur le tour interprété par Marlot « Les as à la poche », quand vous avez dit « Je trouvais cet effet génial, mais si il faut le faire en exécutant cinquante empalmages, ce tour ne me convient pas… et je me suis battu pendant deux ans… » Et vous avez fini par trouver une méthode géniale, que j’aime exécuter, à mon tour … Ce qui me rappelle l’impossibilité que l’on a tous eu à l’école, au collège, de ne pas pouvoir dire la même chose pour vivre mieux les apprentissages imposés que je trouvais imbuvables!
Cette attitude ouvre des perspectives en magie, où, tous autant que nous sommes, nous pouvons nous exprimer avec notre personnalité, en inventant un nouveau chemin. Tel Biréli Lagrène jouant « For Séphora » la version de ce morceau la plus belle que j’ai jamais entendue. On y ressent toute la tendresse entre un frère (l’inventeur du morceau qui est Stochello Rosenberg) et sa sœur (Séphora), uniquement par l’angle choisi de cet artiste extraordinaire : des notes posées, et quasiment lentes, à côté des versions où les musiciens se plaisent à jouer à toute vitesse et qui m’ont toujours donné l’impression que le gars ne pense pas qu’il m’a laissé sur le côté pour s’éclater … seul!!!
Respectueusement, merci pour vos effets géniaux, votre approche de la magie qui la rend palpable et merveilleuse. En effet, rien de sert de mettre de la distance entre l’artiste et le spectateur, car alors, la magie perd en force. Quelques techniques super bien exécutées le plus naturellement du monde sans confettis, ni costume à paillettes… Encore Bravo.
Dominique Teinturier
merci de votre message !