Il se trouve que j’ai beaucoup de mal à me souvenir des prénoms des personnes que je ne connais pas personnellement. Fréquemment on me dit un prénom, je devrais m’en souvenir car les gens sont très sensibles à ces détails… mais je n’y arrive pas. Il faut que j’entende plusieurs semaines un prénom pour qu’il commence à s’imprimer en moi. En tant que magicien de close up, pour qui l’interactivité compte plus que tout, il faut dire que ce trait de mon caractère n’est pas mon meilleur atout ! Mais, comme je pars du principe qu’il ne faut jamais subir bêtement les choses, j’ai imaginé quelques parades intéressantes, dont une que je vais vous confier aujourd’hui. L’idée en question m’est venue quand j’ai mis en scène mon sketch des Salières en hommage à Albert Goshman. Il se trouve que ce sketch requiert la présence et la participation active de deux spectatrices respectivement à gauche et à droite du magicien et que celui-ci ne cesse de s’adresser à elles par leur prénom. Peine perdue pour moi me suis-je dit ! Alors m’est venue l’idée machiavélique d’inventer une histoire dans l’histoire. Vous allez comprendre… J’ai choisi avec soin deux prénoms qui allaient pouvoir d’une part s’imposer facilement à ma mémoire et d’autre part bien « sonner » à l’oreille du public dans le cadre de mon hommage à un grand magicien américain disparu. J’ai décortiqué les us et coutumes des anglo-saxons et mon choix s’est arrêté sur Kate et Cindy, prénoms ô combien courants. Puis j’ai fait en sorte de crédibiliser ces prénoms au sein de mon scénario. J’ai choisi une vidéo dans ma collection d’archives sur Albert Goshman et j’ai prévu de l’inclure dans mon sketch : quand j’arrive sur scène puis que je raconte qu’il va s’agir d’un hommage à ce magicien qui a tellement compté pour moi, on voit la vidéo passer sur l’écran au-dessus de ma tête. Je fais alors comprendre qu’il s’agit d’une soirée particulièrement mémorable, que je souhaite faire revivre l’espace d’un moment. Or, dans cette soirée, les deux charmantes spectatrices qui entouraient Goshman s’appelaient Kate et Cindy. Là, les deux prénoms apparaissent sur la vidéo et je demande dans la foulée à deux spectatrices que j’ai placées à ma droite et à ma gauche, si elles sont partantes pour jouer leur rôle « en live ». Et le tour est joué : mes deux spectatrices sont ravies d’incarner un rôle et donc de changer de prénom le temps de ma prestation, et moi je n’ai pas à retenir leurs vrais prénoms ! C’est ainsi que, d’une grosse faiblesse de ma part, j’en ai créé une force, particulièrement performante pour mon spectacle. Que du bonheur ! A partir d’un problème qui paraissait insoluble, j’ai imaginé une idée qui n’a fait que renforcer ma mise en scène. Ce qui est le plus drôle c’est que, depuis que j’utilise ce « stratagème », un grand nombre de mes spectatrices continuent de se surnommer elles-mêmes Kate et Cindy, bien après le spectacle… car elles ont le sentiment (tout comme leur entourage) d’avoir participé à un événement inoubliable. Incroyable, non ? Quand on connaît la genèse de la chose, je trouve cela amusant… Cela me fait penser au film « Fargo » des frères Cohen qui n’ont pas hésité à dire que l’histoire était vraie, juste pour crédibiliser leur fait divers inventé. Génial, non ? N’oubliez jamais : que ce soit dans un spectacle ou dans une prestation de close up de table en table, VOUS êtes le seul maître à bord : vous êtes libre d’inventer ce qu’il faut pour faire voyager votre public et lui faire vivre… la magie !
»ai le même problème, et en plus je ne suis pas physionomiste
Merci.
Bonjour M. Duvuvier
J’ai sans le savoir développé la même technique afin de me détacher de cet effort de retenir les prénoms quand certaines routines demandent deja beaucoup de concentration…
Merci pour vos éclairages toujours pertinent!! j espere venir vous voir un jour a Paris
Salutations.
Laurent
J’ai encore regardé intimiste 2 aujourd’hui, du grand spectacle, un belle hommage à Albert Goshman, par un grand Dominique Duvivier, aussi grand que Goshman à mes yeux.