Après avoir mis au point le synopsis d’un nouveau spectacle, j’aime beaucoup travailler sur les ingrédients qui vont véritablement construire l’histoire racontée dans ce nouveau spectacle. C’est Edgar P. Jacobs, auteur de la fameuse série des aventures de Blake et Mortimer et qui se trouve être un de mes mentors, qui m’a vraiment donné l’envie d’explorer cette piste de travail. En effet, grâce à lui, j’ai compris que je pouvais me laisser aller à mes premières envies, qui ont toujours été de travailler de l’intérieur le personnage, les textes, les images que je tente de donner pour étayer mes narrations. Jean-Jacques Annaud, que j’admire également au plus haut point, m’a permis quant à lui de ne pas avoir trop peur d’être un maniaque congénital… car lui l’est encore plus que moi (rires). Si je vous parle d’eux à travers mon souci de travailler en profondeur mes spectacles, c’est que ces deux personnages m’ont grandement influencé. Sans eux je ne serais pas en train de vous parler de ces thèmes, c’est certain. Et, à mon petit niveau, je crois procéder un peu de la même manière qu’eux pour élaborer une histoire, un spectacle.
Selon mon expérience, les ressorts dramatiques ne peuvent s’obtenir autrement. Pour l’histoire de mon spectacle, il me faut trouver toute la crédibilité qui me permettra plus tard de jouer efficacement le rôle que j’ai écrit. Le tour n’est qu’une étape. Le texte, une autre étape. La mise en scène est le lien entre les deux. Une fois ces trois points acquis, autant que faire se peut, je passe à la recherche des accessoires qui vont entrer en jeu : la pièce de monnaie rare, la petite bourse qui évoque un point précis… Si je parle par exemple dans mon spectacle d’une pièce unique au monde, je vais rechercher cette pièce des mois s’il le faut. Si elle existe, je vais me la procurer à grands frais et me mettrai en quête du bon maroquinier pour faire fabriquer la bourse qu’il faut pour aller avec, sans oublier de faire « vieillir » cette dernière, si besoin est.
Pour résumer, je vais passer un temps infini à trouver tout ce qu’il faut de « vérité » pour assurer la crédibilité de mon histoire future. Je crois qu’il faut toujours « raconter vrai » le plus possible pour emmener le public aux confins de mes idées farfelues. Plus je serai proche de la réalité dans la fiction que je vais raconter et plus je serai libre plus tard pour raconter cette histoire. Une fois réalisé tout cet exercice de recherche et de fabrication, je commence à mieux « tenir » le bon bout de la comédie que je vais pouvoir jouer. Si mon histoire consiste à rendre hommage à un auteur par exemple, je vais autant que possible me renseigner sur son compte : je vais chercher toute une foule de détails qui vont nourrir ma narration, me permettre de rendre sa présence palpable, de le faire revivre ! Si mon histoire est complètement inédite, je vais faire également des recherches poussées dans le cadre que je viens d’imaginer pour agrémenter de détails réels mon histoire de fiction.
J’avoue être assez « goulu » de ces préparations pourtant rebutantes pour la plupart des gens. J’aime ces situations un peu folles où je peux aussi bien me retrouver à faire des photos totalement insolites, que toucher différentes étoffes qui serviront ou non aux suites que j’ai décidées… Les fournisseurs qui croisent mon chemin me prennent pour un vrai fêlé… et je les comprends !
Tout a son importance et me permettra, quand j’en serai au moment de me « lancer » sur scène, de me sentir bien dans mes habits, comme dans l’ensemble de la mise en scène que j’ai écrite très précisément. On pourrait penser que ces choses ne contribuent pas au côté dramatique de mon écriture, pourtant tout est pensé dans les moindres détails. J’aime pouvoir me sentir totalement « chez moi » dans le spectacle que je vais jouer.
Enrichi de tous ces travaux parallèles, je commence alors à jouer devant une caméra, installée à demeure dans mon bureau. Je m’enregistre et j’étudie le personnage que je vois à l’image comme si ce n’était pas moi. Je regarde comment il se comporte avec son texte, son tour… comment il bouge, comment il se tait, comment il parle… ses intonations, ses tics… J’oublie d’ailleurs totalement qu’il s’agit de moi… Je vois quelqu’un qui me ressemble, mais défend des choses que je ne suis plus vraiment. J’aime le voir se comporter ainsi du reste. Si je le sens trop « moi », je vais chercher à mettre en lui des petits trucs particuliers pour qu’il soit plus ceci ou moins cela. Il faut que je lui trouve des nouveaux ressorts pour qu’il me surprenne. Il devra avoir des comportements différents qui me permettront de lui créer de nouvelles possibilités de misdirection, ou autres ! Bref, je le façonne, comme un véritable metteur en scène que je deviens pour moi-même en l’occurrence. Ensuite je dors quelques jours sur cette interprétation, puis je reprends la lecture de la vidéo. Je regarde si le personnage est devenu ce que j’ai « rêvé » pour lui. Et puis je recommence : je m’enregistre à nouveau en jouant ce que je crois qu’il doit jouer. J’attends deux jours et ainsi de suite… J’avance à petits pas sur ce que va devenir le personnage que j’incarnerai définitivement.
Quand je suis arrivé à « croire » que j’y suis, je vais jouer devant quelques proches l’ensemble de mon spectacle pour me rendre compte si je me suis fourvoyé en partie, complètement ou pas du tout. En fonction des réactions, je vais retravailler telle ou telle ambiance. J’ajoute un mot par ci, un regard par là. Un geste, un silence… Par exemple dans mon spectacle « Intimiste 2 », j’avais pris le parti de lire l’hommage que je souhaitais rendre à Albert Goshman et non de le dire : le fait de prendre mon carnet me donnait un ton différent qui contribuait à la force dramatique du texte lu.
Vous l’aurez compris : mes spectacles reposent sur des éléments magiques certes, mais SURTOUT sur une recherche plus qu’approfondie sur la mise en scène, le scénario, le jeu d’acteur… A mes yeux, ce n’est que de cette manière que la magie peut prendre toute sa valeur et qu’elle peut devenir un Art à part entière.
J’adhère à tout ce que vous dites. Ce sont les petits détails qui font qu’un numéro sera crédible. Merci de cette leçon, que j’appliquerais pour ma part.
tout a fait d’accord au point que je trouve le personnage (vous) complètement à la hauteur de la magie et l’un ne pourrait aller sans l’autre.
Paradoxalement vous parlez d’objet rare et atypique que vous êtes prêt à acquérir a tout prix mais vous rendez cette chose impossible pour un objets précis. Les Jerry 🙂
Cela pourrait être beau de faire une routine a la DUVIVIER et hop faire apparaître un Packet de Jerry. En hommage à ce bonhomme de la magie.
Les Jerry sonne tellement avec votre nom, elle serai la plus belle référence.
Ben moi je dis qu’on a beau être habitué au polissage du diamant à la Duvivier, tout ça calme quand même…!!!!
Amitiés.
Cavaflar