Purée, ça fait déjà 5 ans qu’il s’est fait la malle… Il me manque le Ali.
Voici une petite vidéo pour qu’il soit à nouveau un peu parmi nous : https://www.youtube.com/watch?v=o6VGm2Pnw6o
J’ai toujours été fasciné par ce bonhomme hors norme…
Un « anti-technicien » complet qui a passé une partie de sa vie à prouver qu’une bonne astuce vaut toujours mieux que n’importe quelle technique sophistiquée, que ce soit avec des cartes ou avec des objets !
J’ai rencontré une des premières fois Ali chez Bernard Andrei à Nice en 1974. Tiens, Bernard vient de le rejoindre là-haut d’ailleurs…
Nous avons passé quelques jours ensemble. Moi tout fier d’être à l’époque un cartomane « dans le vent », j’ai très vite dû ravaler mes ‘pseudoperformances’ tant les effets et les méthodes du « père Bongo » me clouaient sur place à chaque fois.
L’esprit de cet homme ne fonctionnait pas comme le commun des mortels.
N’importe quel expert de n’importe quel domaine magique est obligé de se faire duper par les créations du Maître Bongo.
Le « machiavélisme bongolien » se nichait partout…
Combien de fois sur les presque 40 ans que je l’ai côtoyé, il m’a bluffé avec une simple carte retrouvée dans des conditions impossibles ou bien une pièce qui disparaissait à vue, sans empalmage, ni lapping, ni sleeving : rien du tout… apparemment !
La liste serait longue, tant la créativité d’Ali était sans bornes.
Chaque année, j’ai vu Ali Bongo nous pondre une petite dizaine de nouveautés toutes plus variées et plus intelligentes les unes que les autres.
Et je ne parle là que de ses tours ou de ses « finesses » apportées sur des « effets standards » comme on dit, parce que si, en plus, on entre dans le monde burlesque d’Ali… la liste cette fois n’en finirait pas ! Ses « Pompons Pompeux » était un de ses plus célèbres numéros mais c’en est un parmi des centaines d’autres… En voici une vidéo : https://www.youtube.com/watch?v=lnkY4UYEqcU
Tout était humour dans sa magie. Tout était en décalage.
La seule magie qui l’ennuyait était la magie sans âme, sans scénario…
Sinon tout effet le faisait pétiller, sourire, le rendait heureux !
Il m’a tant appris…
Curieux de tout, de toutes les magies, de toutes les cultures, Ali était un tel érudit et dans tellement de domaines différents que c’était à donner le vertige !
Petite anecdote cocasse sur le sujet :
Grand amateur par exemple de fromages anglais, il a su nous démontrer (à Claude Rix et moi notamment) que la richesse des fromages anglo-saxons était supérieure à celle des fromages français… Avouez que le challenge semblait perdu d’avance face à nous qui sommes les meilleurs du monde dans le sujet, non ? Eh bien des centaines de fromages différents pourtant ont afflué sur nos tables et force est de constater que les variétés anglaises et écossaises sont tout aussi riches que les nôtres… du moins nous avons senti sur ce thème qu’Ali était assez intraitable !
En écrivant ces lignes, je n’arrive pas à mesurer le vide qu’il a creusé en moi en disparaissant pour de bon. J’ai du mal à réaliser. L’accepter ? C’est impossible !
Encore un mois avant sa mort, nous avons passé du temps ensemble et il pétillait tellement, comme à son habitude !
Et puis…
Je préfère le revoir dans ma mémoire au « Fruit d’Or »*, comme chaque année au mois d’août à cette époque, quand il nous chantait, à la fin du repas l’intégralité de « Les Chevaliers de la table Ronde ». Et il chantait tout de mémoire et dans un français parfait.
Chevaliers de la table ronde,
Goûtons voir si le vin est bon;
Goûtons voir, oui, oui, oui,
Goûtons voir, non, non, non,
Goûtons voir si le vin est bon.
J’en boirai cinq à six bouteilles
Avec une femme sur mes genoux ;
Avec une femme, oui, oui, oui,
Avec une femme, non, non, non,
Avec une femme sur mes genoux.
Et si le tonneau se débonde,
J’en boirai jusqu’à mon plaisir ;
J’en boirai, oui, oui, oui,
J’en boirai, non, non, non,
J’en boirai jusqu’à mon plaisir.
Et s’il en reste quelques gouttes,
Ce sera pour nous rafraîchir ;
Ce sera, oui, oui, oui…
Mais voici qu’on frappe à la porte
Je crois bien que c’est le mari ;
Je crois bien, oui, oui, oui…
Si c’est lui, que le diable l’emporte
Car il vient troubler mon plaisir ;
Car il vient, oui, oui, oui…
Si je meurs, je veux qu’on m’enterre
Dans une cave où y a du bon vin ;
Dans une cave, oui, oui, oui,…
Les deux pieds contre la muraille
Et la tête sous le robinet ;
Et la tête, oui, oui, oui…
Et mes os, de cette manière
Resteront, imbibés de vin ;
Resteront, oui, oui, oui…
Et les quatre plus grands ivrognes
Porteront les quatre coins du drap ;
Porteront, oui, oui, oui…
Sur ma tombe, je veux qu’on inscrive
Ici gît le roi des buveurs ;
Ici gît, oui, oui, oui…
La morale de cette histoire
Est qu’il faut boire avant de mourir ;
Est qu’il faut, oui, oui, oui…
*Le « Fruit d’Or » est une confrérie magique créée par Fred Kaps et Claude Rix il y a une petite quarantaine d’années et dont Ali Bongo était un des piliers. On y a vu notamment Tommy Wonder, Richard Ross, Guy Lammertyn, Léon Chapelier ou bien encore Franck Garcia et Jean Ludow… Et ces dernières années, on y voyait toujours : Sylvain Mirouf, Gaëtan Bloom, Alexandra et Dominique Duvivier, Francis Tabary, Devil, Pavel, Horace, les Blackfingers, Piet Forton, Quoc Tien Tran, Marc Paul, Antony Owen, Christopher, Jean Régil, Jean de Merry, Norbert Ferré, Bertran Lotth, Boris Wild… pour ne citer qu’eux !
Chaque année la confrérie se réunit pendant deux ou trois jours près de Reims dans le petit village de Montaneuf pour parler magie, faire de la magie, boire ensemble, inventer des tours de magie, manger ensemble, s’échanger des idées magiques, boire ensemble, manger, rire et surtout boire un petit coup pour fêter le nouveau « Fruit d’Or » de l’année (le nouveau magicien élu par la confrérie) ! La cérémonie d’intronisation d’un nouveau membre procède de tout un rituel dont une « épreuve » assez originale puisqu’il s’agit pour le magicien « postulant » d’avaler un couteau en utilisant une méthode qui ne doit avoir jamais été utilisée auparavant par tous les autres confrères du « Fruit d’Or ».