Cédric Reimon : « Dernièrement, j’ai réentendu « Layla » d’Eric Clapton mais en acoustique. Je ne sais pas si vous vous souvenez, il avait fait un concert en live acoustique dans les années 94 95 par là. Et là c’est le choc et la confrontation d’images et d’idées. J’explique en 3 mots : Puissance Espace et Rythme. Il était passé d’une version « couillue », électrique et speed d’il y a 30 ans à une version plus sobre, lente, acoustique. Dans l’une la puissance de la jeunesse et la découverte d’une mélodie énergisante, de l’autre coté la maturité la puissance apaisante, un rythme plus lent et une espèce de symbiose avec le publique immédiat (on les entend tout de suite applaudir). Pourquoi cet exemple parce que cela m’a fait penser à votre routine de Gobelets. Je vous ai vu dans différents programmes : les K7 1,2,3,4,5,6 , les vidéoramas, les DVD « From old to new » et en live et ils évoluent encore. Avez vous senti depuis la création de votre routine, cette puissance évoluer vers vous et dans les différents rythmes que vous avez pratiqué. Comment l’avez vous vu grandir, se transformer vis à vis de l’espace de la salle, du nombre de spectateur, de l’âge. Dans un aspect plus général, est ce une évolution nécessaire volontaire, ou est ce que qu’elle se fait naturellement ? »
Super question. Merci de la poser. Plein de choses à dire là-dessus. Quand j’ai inventé cette routine de gobelets dans les années 70/80, c’était la période de la « fougue de la jeunesse »… la testostérone à « donf » dont j’étais pourvu… et aussi la soif de bouffer tout sur mon passage… J’en voulais comme on dit ! C’est plus ou moins aussi le moment où, côté cinéma, le copain « Stallone » s’est réveillé d’entre les morts avec son exceptionnel « Rocky » et, comme beaucoup de mes contemporains, la musique du film (composée par son frérot soit dit en passant) m’avait galvanisé au plus haut point ! J’avais donc eu naturellement envie d’utiliser cette bande-son pour illustrer ma routine de gobelets toute fraîche, bien sûr parce qu’elle me plaisait, mais peut-être aussi parce que je crois qu’elle illustrait mon côté « rebelle » de l’époque. Je prenais ma « revanche » un peu façon « Rocky », mais pas en boxe… en magie ! Ce mélange détonant a donné naissance à la première version « public » de ma routine de gobelets.
Ensuite est venue la période où mes créations s’accumulant, mon assise face au monde magique est devenue plus importante et j’ai pu ainsi « décompresser » un peu, si l’on peut dire ! J’ai alors changé de musique pour en choisir une plus cool, que j’ai conservée pas mal d’années (et qu’il m’arrive encore d’utiliser de temps à autre) : celle de Pat Metheny, cet auteur et musicien génial que j’ai découvert dans les années 80. Sa musique m’envoûtait à un tel point que je suis parti du principe qu’en l’utilisant pour jouer ma routine de gobelets, j’allais pouvoir emporter les spectateurs au moins aussi loin que j’étais moi-même emporté à chaque écoute du morceau. J’allais ainsi pouvoir donner une autre dimension inédite à cette routine, la faire éclater, la faire voyager vers des horizons bien plus lointains… C’est la version de mes gobelets que j’ai jouée notamment à la FISM en 1988 et des milliers de fois dans les premières années du Double Fond. J’ai beaucoup aimé cette époque.
Puis, dans les années 90/2000, mon adorable fille est entrée dans mon univers magique et notre premier tour en duo a été… ma routine de gobelets dans une nouvelle version écrite pour nous deux ! Alexandra m’a conseillé une nouvelle musique et nous avons joué ce tour pendant plus d’une dizaine d’années. Grâce à elle, la routine a vraiment pris alors une autre couleur : elle s’est enrichie de son propre univers et de celui que nous avons créé ensemble. Un pur bonheur de voir les choses évoluer ainsi…
Enfin, tout récemment (vers fin 2010), nous avons travaillé ensemble un nouveau module avec plusieurs musiques différentes, encore davantage d’interactions entre nous deux et quelques effets supplémentaires après le final. Le sketch est encore plus vivant et plus riche, c’est un vrai plaisir à jouer.
En conférence ou dans certaines occasions, je continue parfois à jouer seul le tour, en revenant à un module simplement « parlé » ou avec la musique de Pat Metheny. Bref, cette routine de gobelets résume presque l’aventure de ma vie entière ! Si je prends du recul, je remarque qu’entre les premières versions et les dernières, le rythme cardiaque interne à la routine a évolué et que les mouvements ont trouvé une autre respiration. Le jeu de comédien a beaucoup changé aussi, au gré des années qui ont passé. Je sens que je vis différemment les choses. Mais je remarque aussi que, contrairement à beaucoup de routines que j’ai écrite et que je n’ai cessé de modifier dans tous les sens au cours des années, celle des gobelets n’a presque pas bougé dans sa forme purement « technique ». Elle me convient comme ça et je ne m’en lasse pas, ce qui est TRES rare chez moi !
Personnellement, j’ai vu en 1998 au Double-Fond live en public la routine de gobelets (avec Alexandra à ses débuts en live) sur la musique : MASSIVE ATTACK – Unfinished Sympathy. Dès que j’entends cette musique, systèmatiquement, pour moi, je l’associe à la routine de gobelets et je replonge directement à cette époque dans ce spectacle ! Et je crois même que vous l’utlisez encore car en 2008 (ou 2009) j’ai pu revoir cette routine (modifiée) mais avec cette superbe zik et là : wow ! que du bonheur ! je me revoyais 10 ans en arrière!
C’était génial Dominique sur cette musique !
Pas entendu les autres versions avec autre musique…mais sur Massive Attack c’est juste « Killer »!
Amitiés,
Anthony