Thomas Benzaki : « J’aimerais travailler (et approfondir) une magie qui m’intéresse de plus en plus: « la magie pour magicien ». Je n’ai cependant pas ou très peu, a mon sens de « notion » sur le sujet… des conseils ? (en restant dans la cartomagie) »
Pendant de longues années (70, 80 et un peu 90), la « magie pour magiciens » a été celle avec laquelle je gagnais ma vie. C’est petit à petit que je me suis davantage tourné vers la magie pour des spectateurs « normaux » (c’est d’ailleurs pour cette raison que j’ai créé Le Double Fond en 1988). Si tu veux entrer dans ce monde de « la magie pour magiciens », il faudra travailler dur car c’est un domaine pour le moins spécifique… En effet, pour bluffer un magicien, il faut utiliser des principes ou des techniques qu’il connaît, mais en les détournant… toujours en les détournant. Ou bien feindre un geste bien connu pour en cacher un autre moins connu. Ou se lancer dans une routine apparemment banale, mais dont l’issue est tout à fait inattendue, avec de nouvelles méthodes ! Mais prends garde avec cette magie, qui aura tendance à scléroser ton sens critique vis-à-vis de la magie pour le public « normal », car souvent le magicien aime des effets et des tours qui sont incompréhensibles ou ennuyeux pour le lambda moyen… L’idéal, selon moi, est de pratiquer une magie qui soit à la fois abordable à 100% pour un spectateur « normal », mais assez riche de subtilités pour que le magicien ne suive rien. Je dis souvent : « Le magicien est un spectateur qui s’ignore ». J’aime en effet le challenge qui consiste à bluffer et à faire « décoller » les uns comme les autres, à différents niveaux. Par contre, dans ce sens, il ne faut pas négliger le fait que le magicien est souvent de mauvaise foi, car il aime bien (se) faire croire qu’il a toujours tout compris… Soit il balance un petit « c’est évident » dans l’instant alors que, bien souvent, il n’a rien saisi du tout en profondeur. Soit, dans le cas d’une vidéo par exemple, il oublie de préciser que ce n’est qu’après mille visionnages, qu’il a enfin pu saisir le « truc » ! Enfin bon, certains magiciens sont heureusement encore honnêtes intellectuellement et on peut échanger avec eux en bonne intelligence… Si tu veux donc te lancer dans « la magie pour magiciens » je te conseille donc dans un premier temps de ne pas te faire enregistrer lorsque tu fais un tour ! Puis je te conseille d’appliquer une méthode très efficace à mon sens : le concept du « grain de blé sur l’échiquier » ! Quid ? Cette approche consiste à multiplier les effets, les mouvements, les actions, les jeux de mise en scène et autres subtilités pour dépasser le chiffre fatidique de 7. Si ton tour est gorgé d’actions qui dépassent le chiffre 7, AUCUN magicien au monde, même parmi les plus prétentieux, ne pourra remonter ton tour ! C’est une des bases de la « magie pour magiciens » que de mélanger les notions et multiplier les actions. Par exemple, prends le temps de regarder le célèbre numéro de scène de Fred Kaps et tu pourras constater qu’à moins de visionner quelques dizaines de fois la vidéo, il est impossible de refaire son numéro. Idem pour presque n’importe quel tour de son cru. C’est si riche et si complexe tout en étant si fluide : c’est du génie pur… Enfin, je te conseille bien sûr de travailler sans relâche pour que ta technique soit parfaite. Et j’entends là par le mot « technique » pas seulement les méthodes utilisées, mais aussi ton texte, ta mise en scène etc… Il faut connaître tout sur le bout des doigts, afin que tu puisses justement te concentrer sur les réactions du magicien que tu souhaites bluffer et que tu puisses ainsi le gérer de la façon qu’il faut. Il y a bien sûr d’autres petits points que l’on pourrait aborder sur le sujet, mais le principal est là, alors… bon courage !
Bonjour et merci pour votre billet
Vous touchez à mon avis un point sensible voir ultra sensible.
J’ai quasiment horreur des congrés et autre mandrake d’or car le public est composé quasi que de magiciens … ce qui rend à mon avis toute analyse de réaction du public obsolète.
Ce qui est devenu carricaturale c’est qu’il faut plus d’énergie pour faire venir un public de profane vers un spectacle que faire venir des magiciens a un spectacle.
Il y a une musique pour musicien, un cinéma pour réalisateur … la magie pour magicien n’est donc pas isolé sur le plan artistique.
Par contre elle prend le pas en terme de proprotion sur la magie pour profane … et c’est le vrai soucis.
Je me souviens d’un de mes amis ayant vu un de vos spectable vers 2003 revenir en me disant qu’il était déçu … simplement car il n’avait pas vu des choses techniques délirantes
J’y suis allé après et j’ai compris alors la différence entre magie pour magicien et magie pour profane.
Bonne continuation à vos travaux