Vers la fin des années 90 il me prit comme une envie subite de faire un spectacle qui s’intitulerait Intimiste et dont le concept serait d’avoir le public tout autour de moi, comme dans un théâtre en rond, m’englobant tout entier et prouvant ainsi de façon subtile qu’il n’y a rien à cacher… L’idée de base n’était pas neuve bien sûr, mais je voyais la possibilité de l’approfondir bien au-delà des apparences. Mon ambition ne s’arrêtait pas à l’idée « Regardez, vous êtes tout autour de moi. Il n’y a pas d’angles scabreux, vous ne pouvez pas être plus près, c’est vraiment magique. ». Je voulais créer avec le public une intimité pas seulement dû à la proximité de son état, mais aussi à la construction même des tours qui devraient s’enchaîner comme jamais je ne l’avais fait auparavant. Eh bien cette petite idée, qui me prit 10 secondes, allait bouleverser ma vie pendant de longues années ! Elle a été le début d’une longue aventure, tant avec le public que dans ma vie de « chercheur », toujours à l’affût de nouvelles pistes pour pousser encore plus loin les choses et trouver si possible des solutions toujours plus insolites et plus folles !
Mon premier opus, nommé donc Intimiste, vit le jour en 1999 au Double Fond et chaque semaine que je le présentais en public, me donnait l’occasion d’en modifier une partie. Je changeais tantôt quelques tours, tantôt quelques enchaînements ou quelques respirations… Je crois que j’ai dû transformer ce premier volet jusqu’à 220 % pour obtenir finalement le spectacle que vous avez vu (peut-être) dans mon triple DVD Intimiste, paru en 2009. A partir de ce premier volet je n’ai eu de cesse que de pousser encore et toujours plus loin cette approche spécifique d’Intimiste et de lui apporter toujours plus de couleur. Tout d’abord j’y ai intégré la notion d’hommage à mes pairs, du moins ceux que j’admire et admirerai jusqu’à la fin de mes jours ! C’est ainsi que ma série de spectacles Intimiste s’est fait l’écho de mon envie profonde de mettre à l’honneur le patrimoine magique, de transmettre mes goûts, de partager mes influences magiques, de donner un bout de mes connaissances modestement accumulées au fil des ans… D’autre part j’ai intégré un deuxième concept « clé » qui apportait en même temps un fil rouge au spectacle Intimiste dans son ensemble : la notion de crescendo qui lie chaque tour les uns aux autres dans un mouvement ascendant et jubilatoire (enfin… j’espère !).
Au bout d’un an ou deux que j’avais trouvé puis mis petit à petit au point le concept Intimiste, je me suis évidemment pris la tête (avec bonheur, car j’adore bosser) pour trouver des suites au premier opus. Naturellement j’ai imaginé une appellation simple : ce serait Intimiste 2, 3, 4 etc. Ayant pas mal souffert du long accouchement pour la version finale d’Intimiste 1, je me suis vraiment battu dès le départ pour écrire directement un show encore plus construit : j’ai travaillé sur un spectacle qui devrait être bon, du premier coup. Je ne voulais pas de tâtonnement, pas de changement de tours ou d’ambiances…. Je voulais que tout soit écrit en amont et plus jamais changé par la suite ! C’était mon premier challenge. D’autre part je voulais rendre hommage à Goshman, l’homme qui a vraiment construit une aile de mon corps. Une autre aile que celle donnée par Kaps… enfin, c’est symbolique évidemment car j’ai bien plus que trois ailes (pour un gros goéland comme moi, c’est bien ce qu’il faut !). J’ai donc commencé par regarder un spectacle d’Albert que j’avais enregistré, avec sa permission, dans les années 70 à l’Olympia. Une soirée spéciale qui avait été organisée en son honneur dans une des salles de l’antre magique de Bruno Coquatrix ! J’ai visionné la vidéo des centaines de fois. Subjugué par la perfection de son travail, j’ai d’abord été pétrifié par le boulot que je venais de me mettre sur le dos dans un instant d’égarement ! Et puis je me suis mis à l’œuvre… Mon premier travail a été de copier intégralement l’ouvrage d’Albert, le plus parfaitement possible, le plus respectueusement, le plus « scolairement »… Il avait mis 20 ans à le mettre au point, je devais n’en perdre aucune respiration, aucune subtilité. Je vous passe le temps infini pour trouver les bonnes salières, le bon matériel en général et surtout pour comprendre comment bosser le tout ! Au bout de trois bons mois de travail intense, j’ai pu constater que je tenais la quasi-totalité de ce qu’il pratiquait. MAIS, juste un MAIS malheureusement capital : ça ne le faisait pas du tout. Je singeais le bonhomme, je n’étais plus moi et pas plus lui. En un mot, c’était nul ! Fort de cette prise de conscience, j’ai alors commencé à éliminer un geste par-ci, une technique par-là… Et j’ai commencé à respirer à l’intérieur même de son œuvre. J’ai commencé à pouvoir être moi-même, tout en laissant ses mains me guider. J’ai ajouté des idées, des mouvements et même des tours entiers : des choses personnelles pour retrouver un peu de moi à travers lui. Et puis j’ai enlevé du moi dans ce qu’on voit, pour rajouter du lui dans ce qu’on ne voit pas et enfin j’ai commencé à lier les deux personnalités pour nous fondre dans une troisième, donnant alors naissance à une nouvelle œuvre : ni vraiment la sienne, ni vraiment la mienne, la nôtre en quelque sorte ! La version des Salières de Goshman que vous pouvez voir dans mon DVD Intimiste 2 est l’aboutissement de ce travail acharné. Dans les années 2007 à 2009, j’en ai remanié une partie. Je crois que c’est un peu à la suite de mon opération du cœur en fait (avril 2007) que j’ai eu envie de donner des choses différentes et encore plus intenses, principalement dans le rythme : j’ai resserré la totalité de la séquence pour obtenir un set de 18 min contre une bonne trentaine auparavant… Bon, revenons à l’année 2002, en pleine construction du show Intimiste 2. Avec les Salières de Goshman, j’avais bouclé la plus importante partie du show mais il restait tout de même 1h à trouver. Imaginez-vous un instant, à 7 mois de la soirée de Première, en train de constater que vous n’avez que 30 min sur l’heure et demie de spectacle prévue… L’angoisse. C’est dans ces moments-là où vous vous rendez compte qu’il était judicieux d’annoncer partout une date de Première… Oui, là, vous ne pouvez plus reculer. Vous avez bien envie de trouver une combine pour disparaître totalement de la surface de la planète, une facétie pour éviter de jouer ce satané show… bref maintes manières pour éviter d’affronter cette montagne que vous avez sans vergogne montée de toutes pièces !!! Pas de doute il faut maintenant mettre les bouchées doubles… Prenant alors mon courage à deux mains, j’ai fait en sorte d’oublier cette peur paralysante de l’échéance et j’ai travaillé… Je voulais que ce spectacle Intimiste 2 s’inscrive vraiment dans la lignée du premier opus en utilisant les mêmes structures (l’hommage à mes pairs et l’idée du crescendo entre les tours), tout en donnant encore plus de corps à l’ensemble. J’ai donc imaginé une sorte de troisième fil rouge, une colonne vertébrale supplémentaire avec le concept des pouvoirs, que nous avons tous et que j’allais révéler au cours du spectacle, par le truchement des deux spectatrices qui m’entourent à ma droite et à ma gauche. La Première a lieu en janvier 2003 et tout s’est bien passé ! Intimiste 2 a été un de mes plus gros succès.
Pour Intimiste 3, j’ai eu envie de commencer le spectacle par la fin d’Intimiste 2. Une fois assis les spectateurs voyaient l’image de Goshman sur l’écran (celle qui marquait donc la fin d’Intimiste 2) et j’arrivais sur scène comme si j’étais dans un rappel ! Et là j’enchaînais sur les billets de Kaps, une routine que j’ai mis 2 ans à mettre au point et j’en suis fier !
Quant à Intimiste 4 (que j’enchaînais d’ailleurs avec Intimiste 3 dans la même soirée, au cours d’une série d’événements spéciaux au Double Fond), son sous-titre était : « Tsunamis » (terme peu connu d’ailleurs à l’époque, mais qui le devint malheureusement deux ans plus tard avec les catastrophes naturelles dont tout le monde se rappelle…). L’idée était : des effets absolument killer et impossibles avec des cartes, uniquement des cartes.
Ensuite, ma soif de changement m’a amené à retravailler chaque nouvel opus (Intimiste 5, 6 et 7), comme des versions plus abouties que les précédentes. Le 8ème opus quant à lui, est tourné vers de nouvelles méthodes pour des tours identiques, le 9ème est un exercice de style sur le précédent, avec de nouvelles routines assez méchantes pour les neurones ! Et la dernière version 2010 « intimiste Ultime » est une approche radicalement tournée vers des tours déjà pratiqués dans d’autres versions, mais avec encore de nouvelles méthodes plus diaboliques que les autres, à telle preuve que j’ai lu sur un site que ce volet serait identique à Intimiste 2. On ne pouvait pas me faire plus plaisir ! En effet, le fait qu’on puisse croire qu’il s’agissait des mêmes méthodes prouvait à quel point j’avais réussi mon coup ! Très flatté j’étais….
Voici en gros et assez rapidement ce que j’intitulais « L’aventure Intimiste ». J’espère que vous aurez apprécié cette vue d’ensemble rapide d’une période charnière de ma vie de chercheur.
A bientôt !
Avec toute mon amitié, mes chers fidèles lecteurs
Dominique Duvivier
Bonjour !
Que ça fait plaisir de vous lire en ce jour de rentrée ! Rien de tel pour bien démarrer l’année. Je n’avais pas suivi les publications des derniers articles (merci d’avoir répondu à nos questions ! 🙂 ) pour cause de vacances loin des tourments de la vie.
Voilà, c’était juste pour vous faire un petit coucou !
Très bonne journée !
Je n’ai malheureusement eu l’occasion de ne voir que le premier qui m’avait déjà fortement bluffé.
Cette histoire permet d’encore mieux comprendre l’énorme boulot qui se trouve derrière la création de tel spectacle.
Encore bravo et continuez à nous faire rêver
Merci infinimment , fidèle chroniqueur….Merci pour cette génèse de » Domibert Goshvier »….ça sent les larmes et la sueur..!..Imaginer le goéland ( ça m’a fait profondément penser à l’Albatros de Baudelaire..) Matin, quelle image !!! LOL
7 fois le mot Travail, 2 fois le mot Bosser….Décidement le talent ne fait pas tout…!
Bon….on le savait…Mais tout ce qui va sans dire va mieux en le disant!
Amicalement
Cavaflar
Habitant en province, je n’ai pu assister à cette série de spectacles « intimite ».
C’est donc avec un grand bonheur que j’ai pu les découvrir grâce aux deux DVD « intimiste ». On sent dans ces DVD tout le travail et la recherche que vous avez du fournir pour en arriver à cette fluidité magique …
J’attends donc avec une énorme impatience la sortie des autres « intimiste » en DVD. Est-ce que vous avez une date à nous annoncer ?
Amicalement et continuez vos recherches longtemps !!
» Et au fait, tu regardes quoi ce soir, à la télé ? Il y a une émission sportive non ? « .
» Oh, non, ce soir, ce sera soirée Intimiste(s) »
La réponse avait bien sûr engendré le même étonné qui précède inévitablement la question » Inti … quoi ? C’est quoi, ça ? « .
Question judicieuse cependant : qu’est ce qu’Intimiste(s).
Personnellement, je dirais, pour commencer, un bol d’air, un très grand bol d’air. Du pur bonheur.
Dans Intimiste, que ce soient les spectacles ou les coulisses, on retrouve de suite l’ambiance qui nous est chère, cette ambiance » Asseyons-nous donc autour de cette table, et passons un bon moment « , qui est le crédo ( et avec un fier succès ) de ces spectacles.
Un coussin d’air, comme dirait … je ne sais plus trop qui … on passe du rire aux larmes, on alterne entre idées, concepts, inventions, conseils, tous aussi intéressants les uns que les autres.
Le petit gag introduisant mon post, sur la demande de » Tu regardes quoi ce soir à la télé « , ne s’est pas présenté à moi, mais il reflète bien un des aspects les plus intéressants, je pense, des Intimistes : que ce soit le spectacle, ou les explications, on voyage au delà du simple concept de tours-explication, on quitte la Magie pour atterrir dans le domaine de l’Art ( zut, ma touche ne me permet pas de faire un » A » aussi grand que je ne le voudrais … ).
On ne s’ennuie pas un seul instant, et sincèrement, j’ai été plus tenté ( et c’est ce qui est arrivé ) de regardé ce(s) programme(s) comme des petits bijoux ‘ cinématographico-artistico-maqigues » plutôt que comme des programmes d’explications.
Le tout porté par la fabuleuse ambiance qui règle sur les lieux, ambiance alimentée par toute la gentillesse et la générosité des protagonistes.
A la limite, on pourrait conclure qu’on se trouve alors dans une conversation quasi-directe entre Dominique, Alexandra, M. Le marquis, et toutes les autres personnes présentes.
Un grand merci à vous, M.Duvivier, pour ces petits ( grands, oui, bien sûr -sourire- ) moments de bonheur, et très bonne continuation.
Amitiés.