J’ai arrêté de fumer il y a bientôt 6 ans, juste après un œdème pulmonaire (ça calme !). Pas de séquelles pour le moment (merci mon Dieu), mais un nouveau comportement, une nouvelle vie, tout bonnement !
J’ai fumé pendant 40 ans et, subitement, j’ai cessé arrêté d’enrichir l’Etat avec mes achats répétés de cigarettes (2 paquets par jour en moyenne !). Pas de rapport direct avec la magie me direz-vous et pourtant, vous allez comprendre…
Pour résumer rapidement les choses, tout a commencé en novembre 2005 par un infarctus sur scène en début de spectacle (rien que ça). Je continue malgré tout le show jusqu’au bout (je me demande encore où j’ai trouvé la force) et je consulte un médecin dès le lendemain matin. Elle me prescrit une prise de sang pour « vérifier »… et selon elle, tout va bien ! Rien à signaler ! Inutile de dire que je ne fais plus appel à ses services depuis lors… Quatre jours plus tard, je respire de plus en plus mal… jusqu’à l’étouffement. On appelle le SAMU : on apprend que j’ai fait un infarctus et que, suite logique, j’ai développé un œdème pulmonaire (poumons remplis d’eau). Je me retrouve sous une tente à oxygène et je commence à récupérer un peu de vie, enfin… Là, je me jure dans ma demi-mort, que je ne fumerai plus jamais si je me sors de là… Je suis transporté en réanimation à St Antoine et, dans la foulée, on me pose un stent (un petit ressort révolutionnaire qui permet de maintenir ouverte une artère bouchée). On me dit que cela devrait suffire, mais quelques mois plus tard on doit m’en poser trois supplémentaires. Et début 2007, on me conseille en définitive d’effectuer des pontages sur mes artères décidemment trop abîmées. C’est une opération à cœur ouvert avec tout ce que cela comporte comme risques, alors là, les doutes m’assaillent, j’ai peur : j’y vais ou je laisse tomber ? Finalement je me lance, grâce à l’insistance de mes proches (merci)… L’opération a lieu en avril 2007 : en fait il faudra un quadruple pontage pour sauver la carcasse !
Et depuis je suis redevenu un jeune homme (si) et je n’ai jamais fumé à nouveau, ni eu envie de le faire du reste… Déjà 6 ans de bonheur avec le souffle qui est revenu, mais aussi le goût dans les papilles, l’odorat à foison et j’en passe ! Mille et une joies quotidiennes retrouvées après des années d’enchaînement au tabac : une vraie libération après 40 ans d’esclavage…
J’ai commencé à fumer à l’âge de 15 ans « pour faire comme les potes », avec du jonc et des cigarettes P4. Pour le jonc, nous allons dans des coins où de pauvres arbres se sont retrouvés là malheureusement pour eux, et mes potes les plus experts leur coupent des bouts de tiges que nous fumons, tout en toussant à en perdre haleine. Que du bonheur quoi ! Quant à la « P4 », c’est un mélange de différents tabacs de récupération : des sortes de mégots réutilisés me dit-on à l’époque. Mais la démarche doit me séduire puisque j’en achète autant que je le peux, dingue, non ?! Ça s’appelle « P4 » car ce sont des paquets de 4 cigarettes enrobées dans un papier de la SEITA. Tout un programme ! En tous les cas, cela nous occupe bien avec mes copains de vacances… Oui, il se trouve qu’à peu près toutes les conneries que je commets dans ces jeunes années sont casernées à Deauville/Trouville/Touques, lieux de mes presque 4 mois de vacances avec mes chers grands-parents paternels !
Allez tiens un petit détour du côté de ces chères années d’insouciance… Chaque été, rituellement, nous partions en expédition pour le pays des retrouvailles avec la nature (avec notamment la pêche, que mon grand-père me faisait découvrir… au mulet, la pêche… et à la cuillère, monsieur !). Imaginez un peu… La Dauphine était chargée dès 4 heures du matin et nous partions… à 5 heures (du même matin). Nous faisions une escale pour déjeuner vers midi sur la route. Parfois nous dormions à l’hôtel pour arriver à bon port dans la matinée du lendemain. Vous avez bien compris que nous n’allions pas à Nice à pied, n’est-ce pas ? Nous allions à Deauville ! Eh bien, oui, je n’ai jamais compris comment nous pouvions mettre autant de temps pour aller si peu loin. Au début je n’étais pourtant encore qu’un tout petit garçon, mais j’ai toujours été marqué par ces étapes de folie, cette route interminable, à tel point que lorsque je suis devenu adulte et que l’envie m’a pris de m’y rendre par mes propres moyens, je fus effaré de mettre moins de deux heures pour arriver « Aux Vapeurs », pour manger une moules/frites !!! Il est vrai que mes parents ne prenaient jamais l’autoroute (histoire de profiter de la nature ?) : je pense que nous devions nous griser de vitesse en rivalisant avec les vélos… De toute façon, quand on est môme, on ne se rend pas vraiment compte, et encore plus quand on vit sa prime jeunesse dans le début des années 60… Mes parents et mes grands-parents « chargeaient » la galerie de la voiture, un peu comme si Robert Lamoureux dictait les directives, pour qu’au second degré, tout ce qui se passe soit drôle, cocasse et souvent tellement invraisemblable ! Une fois la voiture pleine bourrée à craquer, il manquait toujours une bonne partie de nos affaires, restée sur le bitume… Alors il fallait tout défaire puis tout refaire, avec une religiosité incomparable… Un vrai sketch ! Avec les années qui ont passé, je brûle intérieurement de ne pas avoir su davantage profiter de ces scènes de la vie de tous les jours, qui avaient plus tendance à m’agacer qu’à m’amuser. Aujourd’hui, tout serait différent, mais aujourd’hui tout ce petit monde qui était le mien a disparu ! La voix de mon grand- père qui commandait tout ce petit monde n’existe plus que dans mes souvenirs, uniquement là.
Pour revenir au tabac, il a donc partagé ma vie de mes 15 ans à mes 55 ans. Je crois que j’ai à peu près tout fait avec une clope au bec… Ou bien une pipe parfois, pour copier Ernest (Pancrazi). Et aussi des gros cigares offerts par Christian (Fechner). Bon, il se trouve que je me suis arrêté là : pas de substances illicites, que du tabac. On va dire que c’est déjà pas si mal. A la base, cette maladie du tabac vient du fait que je ne buvais absolument pas d’alcool. Plutôt normal à 15 ans, mais beaucoup moins évident quand on a 20 ans et plus !!! Et quand on est jeune (et con), si tu ne bois pas, tu n’es pas normal, alors si en plus tu ne fumes pas, tu es carrément un extra-terrestre ! Donc j’ai fumé pour avoir quelque chose en commun avec mes copains, mes chers copains, ceux qu’on veut copier pour être accepté ! Eh ouais, que des conneries, ils m’ont fait faire, je vous dis !!! Si j’avais su dans quel pétrin je me mettais par la même occasion…
Je ne pense pas qu’à la santé du reste, mais aussi aux incidences dans mon métier de magicien. Imaginez seulement le nombre de techniques de dissimulation diverses que j’avais mises au point, directement liées à mes habitudes gestuelles et machinales de fumeur incorrigible ! Et imaginez bien sûr les difficultés que j’ai rencontrées quand j’ai voulu arrêter de fumer… Avec la cigarette je m’étais forgé INCONSCIEMMENT des tics et des tocs (voire des tic/toc !) épouvantables que j’ai dû apprendre à gommer ! Un vrai parcours du combattant, mais nécessaire pour retrouver vraiment une vie normale sans tabac (qui en plus de nous tuer à petit feu, nous rogne dans nos performances magiques, pour ne citer qu’une seule et futile nuisance collatérale à cette merde… désolé j’ai craqué !). Lorsqu’on arrête de fumer, je crois que ce qu’il nous arrive de pire, c’est qu’on croit qu’on ne pourra plus rien faire sans le tabac. Nos cellules qualifiées de « grises » (par morosité sûrement) semblent nous dire que sans le « réflexe » de la clope, plus rien ne va !!! Nous croyons avoir besoin de cette fameuse « contenance » sans laquelle nous serions soi-disant réduits à l’état larvaire, sans doute ! Ceux qui me connaissent peuvent imaginer les « trésors de cruauté » que j’avais trouvés pour utiliser mes gestes de fumeur à des fins magiques…. Pour donner un exemple parmi une dizaine d’autres, j’avais trouvé moult manières pour adjoindre une carte secrètement, tout en faisant mine de prendre une cigarette dans mon porte-cigarettes (offert d’ailleurs par Gaëtan Bloom). Et puis le fait d’aller au cendrier d’une main… de chercher le briquet d’une autre et d’allumer une cigarette… tellement d’occasions rêvées pour dissimuler certains gestes pour le moins critiques ! Tant de solutions s’offraient à moi pour trahir l’attention de mes contemporains de l’époque ! C’en était presque honteux…
Mais si je « magiphageuhise » aujourd’hui sur le sujet, ce n’est certainement pas pour vanter les attraits dont j’ai longtemps bénéficié en tant que fumeur/magicien. Si je vous écris, c’est pour vous montrer qu’un fumeur invétéré (on pouvait difficilement faire pire que moi), doublé d’un magicien fanatique, a pu se recycler du jour au lendemain dans une vie sans cigarettes, ni tous les autres artifices attenants à la pratique permanente du clopage compulsif !!! Comme quoi, c’est possible et à la portée de tous. Si. Et pour ceux qui auraient du mal à suivre l’exemple, ne croyez pas que je suis plus génial qu’un autre : la vie a juste été plus forte en moi que le fait de continuer (pour peu de temps) de cloper comme un con réjoui. J’ai préféré me dire que j’avais suffisamment profité de la cigarette pendant 40 ans et que maintenant j’allais pouvoir passer à autre chose ! Beau défi lancé contre l’adversité qui m’avait jusqu’ici programmé à me subir jusqu’à la fin de cette vie terrestre, la cigarette au bec… Ce fut donc un nouveau départ, comme certains le vivent à la quarantaine, ou quand ils rencontrent l’amour, ou quand ils prennent conscience un jour que le saut de coupe ne remplace pas la magie (révélation !!)… Lol. Aujourd’hui j’aime voir les gens debout, dans le froid glacial se geler les (…) et se trémousser pour tromper le froid, en clopant rapidos : je m’imagine avec eux si je n’avais pas eu ma propre sonnette d’alarme ! Quel bonheur de se savoir sorti d’une impasse de cette envergure hallucinante ! Merci la vie de m’avoir doté de quelque intelligence dont j’ai pu tenir compte pour changer de trajectoire ! Tiens au fait, pour aider ceux qui voudraient arrêter de fumer, sans trop y arriver… En parcourant diverses revues et autres bouquins, j’ai appris une chose essentielle à mes yeux et qui m’a conforté dans la capacité que nous avons tous à arrêter de fumer du jour au lendemain : la nicotine ne réside que quelques jours dans notre corps, 3 jours tout au plus ! Donc les croyances qui consistent à dire qu’il faut des semaines voire plus pour se désintoxiquer de la nicotine, sont erronées ! En réalité, il faut juste patienter 3 jours et comprendre que les manques ultérieurs vis-à-vis de la cigarette, ne seront que psychologiques et comportementaux, dirais-je ! Alors saisissez votre chance, bordel-à-queue !
Amitiés à tous
Dominique DUVIVIER
PS : à ceux qui tentent en vain d’arrêter le tabac, je conseille aussi fortement la lecture d’un petit bouquin vraiment très efficace « La méthode simple pour en finir avec la cigarette » d’Allen Carr.
Merci pour ce merveilleux article 😀
Cela fait bien réfléchir au conséquence du tabac !
Tout le monde croit que ça tomera toujours sur les autres alors que au bout du compte personne n’est à l’abri.
J’ai 15 ans et j’ai moi même beaucoup d’ami du même âge qui fume et e suis content de ne pas avoir suivi la « tendance » qui est toujours au bout du jour de faire comme les « potes »
Encore merci pour cet article
Bonjour 🙂
Encore un article superbe. Comme quoi les difficultés n’arrivent pas qu’aux autres…
J’ai eu la chance de ne jamais tomber dans ce travers de la cigarette et je n’en vis pas plus mal. Etant très gastronome, je crois que je n’aurai jamais accepté le manque de gout de la nourriture 😀
D’un autre côté, je crois que nous avons tous la chance de vous avoir encore grace à votre envie de combattre et au soutien de votre famille.
Longue et heureuse vie.
Alors là… Je ne m’attendais pas à cela. Je ne savais pas que vous aviez eu de tels problèmes de santé et Dieu soit loué, vous vous en êtes sorti ! D’autant que sur vos dvd, dans les interviews notamment, on vous voit avec une cigarette ! Ça calme cette histoire… J’espère que votre vécu servira de leçon et d’exemple à certains, afin qu’ils puissent s’en sortir. Je ne fume que très occasionnellement, mais il est vrai que j’ai vu des copains qui du jour au lendemain n’ont plus réussi à s’en passer.
Je suis également dans le cas de celui qui n’a jamais fumé (mais bu oui, nul n’est parfait…)
Il faut également ajouter que passer de 2 paquets par jour à zéro génère une sacrée économie qui paye à elle seul des vacances chaque année.
Alors bravo !
Et pour le plaisir, voici une « pub » interdite par les majors du tabac qui devrait sourire sourire ceux qui peuvent prendre du recul par rapport au tabac : http://www.dailymotion.com/video/x6jvf_toxic-corp-pub-anti-tabac-interdite_news
A noter que de toute ma vie, j’ai souvent entendu les fumeurs me dire « ah tu fumes pas c’est bien, moi faudrait que j’arrête », et que je n’ai entendu qu’UNE fois « Je fume parce que j’aime ça, comme toi tu aimes le chocolat ».
Bonjour Dominique,
Dis-moi après ton expérience malheureuse comment ça se fait que ton ami Gaetan ne se soit pas décidé à lui aussi stopper sa tabagie intense ? On aimerait tous vous garder tous les deux le plus longtemps possible en vie !
Amicalement
Cher Toi
Quelles pages tu déroules dans ton blog…merci pour les histoires, tellement perso, et tes évasions, tes anecdotes, comme tes vacances au bord de la mer…c’est du Jonasz…et aussi musical.
La clope…yes, belle saloperie,à laquelle je reste encore accroché…et comme le dit Alain, que je salue au passage, quel démon, ou connerie m’empèche d’arrêter…
Je ne sais pas…et en plus, je crois même que le petit livre génial, c’est moi qui te l’ai indiqué…il y a longtemps…trop drôle en fait…
A décharge, et comme dit David…oui, j’aime ça, plus que le chocolat….argggh…et comme toi, j’en aime les mouvements…les rituels…notre ami Max maven, s’essaye depuis deux ans à la cigarette électronique, qui semble un bon palliatif….sauf que de temps à autres, il me demandait, pendant E.M.C., « t’en a pas une vraie…pour changer! »…
Le pire, ou le mieux, c’est que je suis très respectueux des lois, et des autres…Je prend pas mal d’avions, sans fumer pendant une dizaine d’heures…sans aucun problème…et je n’aime pas fumer avec les enfants autour…
Bref, j’attends peut-être inconsciemment, l’alerte fatale…par manque de volonté propre…dans tous les cas, merci à toi et aux amis intervenants…Tout cela ne peut que m’aider un jour à lâcher pour de bon cette amie bizarre, qui me fait plus de mal que de bien, cette cigarettounette, en somme…
Mais quel con, le créateur de la fameuse herbe à Nico…
Bises en volutes…et tout mon coeur avec…
indirectement, lire absolument le dernier livre de Mathias Malzieu, « Métamorphose en bord de ciel »…je vous conseille la version avec illustrations…un chef-d’oeuvre dûr, de magie et de poésie…
A tout vite
Gaetan
Hello,
En tant qu’infirmier, je ne peux qu’aller dans le sens de Dominique, et encourager les fumeurs à suivre son exemple. He oui, pas facile!
Gaëtan, surtout n’attendez pas l’alerte fatale comme vous dites, car tout le monde ne s’en sort pas comme Dominique!
On pourra dire que je prêche pour ma paroisse, et ce n’est pas faux, mais personnellement je peux me permettre; je fais partie de ces extra-terrestres qui n’ont jamais fumé ni bu d’alcool de leur vie.
Je vous assure que les dernières toilettes mortuaires que j’ai pratiqué aux urgences m’ont conforté dans mes choix…
Vous connaissez l’expression, les cigarettes sont les clous du cercueuil.
A+
Mickaël
Merci Mickael
…Non, je ne connaissais pas l’image, mais elle parle bien!!!…les clous, ou les vices du cercueil!!!
Tellement vrai!
Bonjour Dominique,
je crois que c’est mon premier commentaire ici. J’ai tant appris ce ce blog que je me sens en devoir d’apporter un complément d’information sur un sujet que je connais un peu pour l’avoir étudié au cours de mon Master de biologie :
Le problème n’est pas tant la nicotine que le cerveau. En effet, il existe dans le cerveau des récepteurs à la nicotine. Chez le fumeur invétéré, ces récepteurs sont saturés, et le cerveau en produit d’autres, pour pouvoir recevoir toute la nicotine absorbée. Lorsque la personne arrête de fumer, ces récepteurs en nombre très (trop) importants sont vides, et c’est ce vide qui provoque le manque.
Enfin c’est la version simplifiée. Le processus global fait intervenir des molécules telles la dopamine et la sérotonine, qui sont respectivement responsable de la sensation de bien-être de de manque.
C’est pas grand chose, mais c’est tout ce que je peux envoyer en retour 🙂