Carl Valentin : « Je me suis souvent demandé si lorsque tu recherchais un nouveau tour, un nouveau thème, un nouveau spectacle, tu le faisais pour toi en te disant, « j’ai envie de montrer telle chose, j’ai envie de faire passer tel message » ? ou en te mettant dans la peau du spectateur en te disant « que vient-il voir, si j’étais spectateur qu’est-ce que j’aimerais voir d’un magicien, quel effet est pour moi le plus magique » ? »
On me demande sans cesse comment je fais ceci, comment je réussis cela… Bah, un peu comme écrit le père Napo dont je parlais juste avant (tout de suite plus sympathique le mec avec un diminutif) : si tu ne penses qu’à ça, ça finit par arriver ! (pour faire une phrase pourrie, mais qui veut dire pareil !). L’essentiel est là. Sinon, pour répondre plus précisément à ta question, j’ai dû à peu près explorer toutes les approches pour créer une situation nouvelle : je suis parti souvent de lui (le spectateur) mais souvent aussi de moi. En fait, le plus intéressant est de partir de rien : vivre sur les hasards des rencontres avec des objets, des musiques, des personnes… et les faire exister ensemble, leur donner la chance de s’exprimer pour devenir des histoires à part entière ! J’aime inventer de nouveaux mondes dans lesquels le public va pouvoir s’échapper de son quotidien. Il y a des thèmes qui permettent cela plus que d’autres. J’essaye de toute façon de créer des univers suffisamment riches pour me permettre d’emmener le public le plus loin possible. J’adore ça !!!
Thomas Benzaki : « L’amorce d’un tour ou d’une routine : « induire les choses et non les imposer au spectateur. »» Je voudrais vous parler de ce qui ce passe avant le déroulement d’une routine (par exemple), « le pré-commencement » , « l’amorce », comment induire les choses et non les imposer au spectateur ? Imaginez une situation « classique »: un repas ou une soirée entre amis, le comportement que je ne voudrais surtout pas avoir, et que j’ai toujours trouvé « inapproprié » serais au milieu d’une conversation ou pendant un « temps mort » sortir mon jeu de cartes et dire: « Vous voulez que je vous fasse un tour de magie ? ». je ne veux pas « forcer » le spectateur a voir quoi que se soit … Alors , comment peut on AMMENER la chose ? Evidemment il doit exister un certains nombres de façon de faire pour amener un tour ou une routine , je demande juste un peu d’aide. »
Je suis tout à fait d’accord avec toi sur le côté qu’il faut essayer de ne pas s’imposer auprès des spectateurs, MAIS je crois qu’il faut aussi savoir ne pas trop se limiter : parfois le fait d’induire les choses peut créer un climat sympa, voire très opportun ! En gros il ne faut pas croire à des théories toutes faites, qui peuvent devenir réductrices. Une théorie est parfaite dès lors qu’il reste prévu de la changer complètement à un moment donné !!!
En fait, pour introduire subtilement un moment de magie lors d’une soirée, le VRAI souci est de savoir attendre. Si, à un moment on te demande par exemple ton métier ou ta passion principale et que tu dis la magie : c’est l’idéal ! « Oui, j’aime la magie et j’en fais dès que j’ai du temps, comme d’autres lisent des bouquins… » Hop ! Tu es assuré que rapidement on te mettra à contribution… La patience est une qualité qui se développe avec le temps, sans doute !
Ohdaesu : « Une problématique qui touche le cinéma fantastique (que j’affectionne particulièrement) et la magie : n’est-ce pas la vraie magie que de faire admettre l’irrationnel sans que le spectateur ne se pose de question ? Pourquoi la carte disparaît du jeu et réapparaît dans la poche ? Pourquoi les cartes rouges et noires réagissent comme l’huile et l’eau quand elles sont mélangées ? No reason. Pourquoi lorsque les pouces du magicien se touche la balle en mousse de la main gauche rejoint la seconde dans la main droite ? Absolutly no reason… Voilou pour cette petite réflexion, qu’en pensez-vous ? »
A toi effectivement de faire comprendre, selon l’univers que tu choisis pour le spectacle de la soirée, quels recoins du monde tu veux faire toucher à ton auditoire… Et si la magie que tu proposes est justement celle que tu n’expliques pas non plus (tu en es la victime, au même titre que ton public) il est probable que le public adhérera !!! C’est un bon « pitch » de départ que j’utilise aussi souvent…
Ohdaesu : « Je n’ose jamais présenter mes petites et modestes idées… Je les travaille, elle me plaise, mais dès que je suis prêt à les réaliser je bloque… Je les trouve finalement mauvaises… C’est très handicapant… J’ai peur que cela ne marche pas. Les adaptations pas de problème, mais les « créations » (si on peut les appeler modestement ainsi) je n’en suis jamais satisfait même si ma douce moitié aime (ma première spectatrice 😉 ). Qu’en penses-tu ? »
Je pense que pour un créateur, un vrai, la démarche est quotidienne. On doute sans cesse, on se triture, on s’angoisse ! On croit sans arrêt que nous ne sommes que des larves. Il est tellement outrecuidant de croire qu’on vient de découvrir une merveille, qu’il faut beaucoup de travail pour sauter le pas. Pas d’égocentrisme obligatoirement. Du travail pour évaluer ce qui est bon de ce qui l’est moins… Reste la piste des cours. Si tu en as la possibilité, les conseils d’un professeur (s’il est bon… ce qui reste à prouver !) peuvent être très salvateurs. Il peut te guider et t’éviter les fausses routes !
Et voilà pour cette semaine !
Merci à tous de vos nombreuses participations : cela me touche énormément !
Amitiés
Dominique Duvivier
Cervelle à marée basse en ce moment…..Merci pour cette bulle…!
Amitiés
Cavaflar
Ps: Ah oui, mon grand doudou m’a offert Alladin,pour la fête des Papounes…. c’est beau, c’est élégant…j’aime!
Ces quelques réponses sont très intéressantes.
Je vous remercie de les avoir données car elles permettent en les lisant de comprendre en partie certains de nos (de « mes » ?) blocages.
Ainsi j’ai bien aimé cette partie :
« En fait, le plus intéressant est de partir de rien : vivre sur les hasards des rencontres avec des objets, des musiques, des personnes… et les faire exister ensemble, leur donner la chance de s’exprimer pour devenir des histoires à part entière »
J’aime bien cette idée. Il est vrai que parfois, les choses s’emboitent comme par magie… untel a parlé de telle musique, un autre de tel histoire, et vous en venez à mélanger le tout avec votre magie et là, le résultat est beau. On a presque peine à croire au seul hasard. Et d’ailleurs, j’ai souvent l’impression que c’est comme cela que viennent les plus belles choses… mais ce n’est que mon avis donc cela n’a que peu d’intérêt et surtout n’a pas sa place ici.
Mais j’ai également cogité sur celle-ci :
« On doute sans cesse, on se triture, on s’angoisse ! On croit sans arrêt que nous ne sommes que des larves. Il est tellement outrecuidant de croire qu’on vient de découvrir une merveille, qu’il faut beaucoup de travail pour sauter le pas. Pas d’égocentrisme obligatoirement. Du travail pour évaluer ce qui est bon de ce qui l’est moins »
Le problème est le suivant… : Je pense (naïvement?) qu’on peut tous se reconnaitre dans ces lignes.
Mais, si on creuse, il y a plusieurs questions « connexes » qui remontent… pas forcément parce qu’on se les pose mais aussi parce qu’on peut vous les imposer sans que vous les demandiez…
Ainsi, j’ai lu que ce genre de réflexion avait été faite à une personne qui se voulait « modeste » : « Il n’y a pas de gens modestes. Il y a des ratés qui ont la prétention d’être modestes – et qui font les modestes pour faire croire qu’ils ne sont pas des ratés. »
(Sacha Guitry)
Je pense donc qu’il est important de se connaitre… Mais je crains aussi que pour pouvoir écrire ce que vous avez si justement rédigé, il faut avoir déjà avoir « fait ses preuves » sans quoi, on pourra en effet vous retourner ce genre de choses pas très agréable…
Pourquoi pas très agréable? Et bien, je repars pour un « 3615 mavie », veuillez m’excuser de cette digression, quand j’ai lu la réponse qui fut faite à cette personne, je me suis dit : OK c’est sans doute également vrai pour d’autres et donc, pour moi…
Et donc questionnement inévitable : « Est-ce que j’hésite à montrer mes rares idées parce que je ne suis pas certain d’avoir un effet fort ou est-ce parce que en fait c’est tout simplement archi nul?… »
(Je me marre doucement car il y en a qui doivent se dire en lisant ça : « Purée, le torturé celui-là ! »)
Et du coup, pas facile d’oser par la suite affronter le regard des autres car ce que l’on a travaillé si longtemps, ce que l’on a peaufiné depuis des mois, voir des années (si si, ça arrive), on le connait tellement bien qu’en fait on le connait trop et on n’a plus cette lucidité, ; cette sorte de « première impression » qui permettrait de se dire « oui cet effet est fort pour quelqu’un qui ne l’a jamais vu » ou Non, cet effet est « effectivement plutôt mauvais »…
Alors il ne faut surtout pas s’arrêter à ces considérations, sinon, on est perdu.
Il faut franchir le pas, se faire violence, et montrer son travail.
Seul le public saura dire si votre travail était juste ou non.
Et du coup, magie totale, on retombe en plein dans la citation de « Napo ».
« Celui qui veut constamment, réussit forcément. »
Vous n’auriez pas savamment calculé votre coup là ? 😉
Ça me fait également penser à cette citation de René Char : « Impose ta chance, serre ton bonheur et va vers ton risque. A te regarder, ils s’habitueront.”
J’ai fait mienne cette maxime depuis quelques temps.
Je vais peut-être également adopter la vôtre, enfin… celle de “Napo.
Merci pour vos petits mots sur ce blog que je lis toujours avec grand intérêt. Je ne réagis pas toujours mais je les lis passionnément.