Chers lecteurs,
Voici la suite de l’interview de Thomas. Je vous rappelle que l’interview a eu lieu suite à un spectacle Intimiste 2 au Double Fond en novembre 2003.
Bonne lecture !
Avec toute mon amitié
Dominique DUVIVIER
T : Quel est votre magicien préféré ?
DD : Difficile à dire mais disons que j’en ai trois principaux. Dans mon spectacle de ce soir, je ne parle que de Goshman, mais les trois magiciens qui m’ont vraiment construit, mes trois « coups de cœur » profonds c’est, dans n’importe quel ordre : Albert Goshman, Ricky Jay, Brother Hamman. D’un point de vue créatif, si je n’avais pas connu Hamman (voir photo ci-contre), je ne serais pas ce que je suis devenu. D’un point de vue « jeu de comédien », si je n’avais pas connu Ricky Jay, je ne serais pas ce que je suis devenu. Et d’un point de vue « détournement d’attention », échange, misdirection, timing, si je n’avais pas connu Goshman je ne serais pas ce que je suis devenu.
Ci-dessous de gauche à droite : Bro. John Hamman, Ricky Jay et Albert Goshman
T : La « soirée du 2 février 1985 » à laquelle vous faites allusion dans le spectacle de ce soir, c’est la première fois que vous avez vu Goshman ?
DD : Pas du tout, c’est de la fiction complète, ça ! Je vais vous expliquer pourquoi j’ai dû l’inventer. Vous êtes le premier à me poser cette question d’ailleurs !
Bizarrement, alors que (vous vous en doutez) j’ai une mémoire assez redoutable, je n’ai pas la mémoire des noms. Pour que je me souvienne du nom ou du prénom de quelqu’un, il faut que je les entende je ne sais combien de dizaines de fois. Ou alors il faut que ce soit un ou une ami(e). Si je demande à une spectatrice comment elle s’appelle, elle me dit « Lucette » et je l’ai oublié trois secondes après ! Donc je me suis demandé comment j’allais faire pour ce show où, selon le modèle de Goshman, je dois demander les prénoms des deux filles à mes côtés et m’en souvenir tout au long du show (puisque je m’en sers sans cesse dans mes misdirections verbales et physiques). Il fallait que j’arrive à me rappeler de leurs prénoms et ça n’allait pas être possible, c’est clair ! Donc j’ai réfléchi à un stratagème… J’ai choisi une dizaine de prénoms que je pouvais mémoriser facilement et je me suis arrêté arbitrairement sur : « Kate » et « Cindy », en décidant que Kate serait ma spectatrice de gauche et Cindy ma spectatrice de droite. Par contre, comment oser demander à quelqu’un de ne pas s’appeler comme d’habitude ? Comment faire en sorte que mes spectatrices acceptent de s’appeler maintenant Kate et Cindy ??! Alors j’ai pris la photo que l’on voit sur scène à la fin du spectacle : la photo que Goshman m’a dédicacée le 2 février 1985 et j’ai imaginé autour de ça un petit scénario dont les acteurs sont mes deux spectatrices et Goshman incarné par moi-même. A partir de là, comme nous sommes dans un jeu, elles acceptent facilement de jouer un rôle avec un prénom différent : et hop, le tour est joué !
T : Vous avez dit que vous avez beaucoup d’adversaires. C’est pour ça qu’on ne vous voit pas beaucoup à la télé ?
DD : C’est possible, oui. Je ne sais pas. C’est vrai qu’il y a des gens assez puissants qui m’en veulent… J’ai beaucoup de propositions mais ce qu’on me propose ne me convient pas. Et le problème est surtout là. Peut-être que les téléspectateurs n’attendent pas mieux que ce que l’on leur donne actuellement comme genre de magie à la télé (honnêtement je ne pense pas). Mais ce qui est sûr c’est que moi ça ne me va pas.
T : Vous êtes pas mal controversé dans le milieu des magiciens. La magie c’est du rêve et quand on voit les réactions de certaines personnes à votre égard, on a l’impression d’être dans le milieu de la politique !
DD : Oui il y a beaucoup de gens qui ne m’aiment pas. Beaucoup de gens qui disent facilement du mal sur moi sans raison. C’est assez dingue. Mais comme dit Molière : « Autant d’ennemis que d’honneur »… Je crois que je dois faire peur. J’ai un style, une conviction et des idées qui font peur… Je suscite la polémique. Enfin, c’est un vaste sujet !
T : Dans le close-up, vous l’avez dit, vous travaillez particulièrement votre mise en scène et votre texte. Vous avez une réputation internationale. Vous êtes connu au Etats-Unis, au Japon. Comment faites-vous ? Car j’ai cru comprendre que vous ne parliez pas Anglais et je ne pense pas que vous parliez Japonais…
DD : Pas mieux, non… !
T : Comment faites-vous alors pour des tours comme L’imprimerie ou La carte caméléon qui nécessitent un certain texte ?
DD : En Amérique, ma fille me traduisait car elle parle très bien l’Anglais. Au Japon, c’était un traducteur – qui m’a fait une traduction déplorable d’ailleurs – ou bien Gaëtan (pendant notre tournée commune au Japon) qui me traduisait en Anglais bien sûr parce qu’il ne parle pas Japonais non plus ! Mais ma meilleure traductrice, c’est incontestablement Alexandra, qui est la seule à savoir traduire aussi bien l’esprit de ce que je veux dire.
T : Dans le Monde, quel est le meilleur spectateur ?
DD : Ah bah, c’est l’Américain ! Le meilleur c’est l’Américain, le pire c’est le Français. Pour une simple raison qui est presque pathologique : le Français est cartésien. On naît avec le cartésianisme en nous. On nous l’inculque dès notre plus jeune âge. L’Américain, c’est l’opposé de ça. L’Américain, s’il apprend que vous êtes magicien, il vous dit dans son jargon : « Vous êtes magicien ?? Baisez-moi ! Allez-y ! J’ai envie ! ». Il a les yeux qui pétillent, il a envie de se « faire avoir ». Le Français, il dit avec un air méfiant immédiat : « Vous êtes magicien ? Je vais faire attention à mon portefeuille et à ma montre ! Faites-moi bien voir vos mains ! Me racontez pas vos histoires, je veux voir ! ». Par contre, quand vous vous donnez en spectacle devant un public français et que le public en redemande, c’est un bonheur encore plus grand que devant un public plus facile. Alors du coup, de ce point de vue, je suis tenté de dire au contraire : le meilleur public, c’est le public français car c’est le plus exigeant !
Bonjour,
Je viens de lire cette interview, et je suis surpris d’apprendre qu’il existe une controverse à votre sujet… Et je le déplore!!! J’aimerais savoir, sans indiscretion de ma part, de quelle nature sont les différentes controverses?. Certains préfèrent-ils la magie facile, qui ne demande que de savoir lire une notice, sans apprendre les bases? Certains préfèrent-ils les grands shows, au cabaret intimiste… Peut-être certains ne rêvent-ils plus… A titre personnel, j’aime la simplicité de votre personnage, simplicité qui demande du travail!!! De le rendre accessible à tous…Vous avez raison lorsque vous parlez du public Français!!! En close-up, une fois sur deux, il a du mal à « rentrer » dans les histoires, et ne regarde que les mains!!! Ceci dit le point positif, c’est qu’il ne regarde pas ailleurs, cela permet d’adapter des routines…Merci.
Magicalement,
Yann
Bonjour,
J’ai découvert voilà quelques lunes (oui, je lis beaucoup la nuit) votre blog. « Ouaouh » me suis-je dit suite au stimulus nerveux de mon lobe occipital à la lecture de cet interview !
Un passage me turlupine et me donne envie d’en savoir plus : le public. Je souhaiterais en savoir d’avantage sur cet aspect. Auriez-vous des lectures à conseiller qui traite de ce sujet ?
Comment faire pour s’adapter à un public difficile ou à des personnes très suspicieuses ? Uniquement avec la parole, l’histoire que l’on raconte ?
Je vous dis cela suite à une mauvaise expérience que j’ai faite récemment. J’ai proposer de faire un tour de cartes à une personne que je ne connaissais pas (il y en avait plusieurs autour de la table). Ce tour, qui nécessite des cartes truquées, s’est bien déroulé jusqu’à un certain point. Au moment du final, là où les gens sont censés faire « Oh! », la personne en question s’est rapidement approchée et a retourné les quelques cartes posées sur la table. Le truc a été dévoilé, déception…
Que faire pour éviter ce genre de mésaventure ?
Merci à vous !
Jeannot57