Cette interview a été réalisée par Dorian Chauvet, grand neurochirurgien, dans le cadre de son livre sur « La main intelligente », qui recueille le témoignage écrit de nombreux artistes, artisans et professionnels divers se servant de leurs mains. Notamment un cuisinier (Thierry Marx), un pianiste (Alexandre Tharaud) mais aussi plusieurs Meilleurs Ouvriers de France : graveur, verrier, calligraphiste, un coutelier…
Dans la magie de close up, les deux mains présentent-elles des rôles très distincts ? Moi je suis un gaucher contrarié. On m’a obligé à utiliser ma main droite à l’école, mais je suis plus habile à gauche. Mais, même si les deux mains ont des rôles différents, je pense qu’elles sont aussi importantes l’une que l’autre. J’en veux pour preuve que, dans le numéro Naomi que je présente avec ma fille Alexandra et dans lequel nous donnons vie à un mannequin en unissant nos mains, on a décidé d’intervertir nos mains dominantes : je fais la main droite et elle fait la main gauche. Pour ce tour la synchronisation de nos mains est bien sûr le défi, mais finalement c’est exactement pareil quand on est tout seul. En fait le défi se situe au-delà des mains. En magie, je dis souvent qu’il ne faut rien voir, rien sentir et rien supposer. C'est une règle que je m’impose quand je crée un tour. Et pour qu’on ne puisse rien supposer, il faut faire appel à d’autres vertus pour empêcher les déductions du spectateur. Cela passe par la gestuelle, l’attitude corporelle dans son ensemble, les respirations, la parole éventuellement, mais aussi par le scénario du tour. La structure intellectuelle d’un bon tour de magie doit jouer avec les perceptions du spectateur. Si le magicien montre qu’il n’y a pas de raison de faire tel ou tel truc, alors le spectateur n’est pas amené à le supposer et le tour sera efficace.